« Nous n’avons qu’à bien nous tenir », c’est ce que nous dit la RATP
Si vous avez pris ces dernières semaines le métro ou le RER en région parisienne, vous n’avez pas pu échapper aux placards de la campagne de communication de la RATP qui met en lumière les mauvais comportements des usagers, illustrés par des figures mi homme-mi animal, à la manière des Fables de La Fontaine. Il suffit de parler de cette campagne autour de soi pour s'apercevoir qu'elle a été très bien reçue, sans doute car elle donne forme au sentiment largement partagé que les conditions de cohabitation dans les transports sont pénibles à vivre pour de nombreux Franciliens.
Ces malotrus, en phacochère qui salit la banquette, éléphant qui empêche la descente du wagon, grenouille qui enjambe les portiques, ou perruche qui bloque le passage dans les escalators, nous les avons trouvés très bien mis en scène et – plus encore! – nous sommes sûrs de les avoir reconnus. Nous savons gré à la RATP d’enfin reconnaître que notre parcours du combattant, le matin et le soir, n’est pas une partie de plaisir quand se multiplient les incidents « matériels » et « voyageurs ». Bien sûr, ce n’est pas de nous dont il s’agit, parce que nous savons être « civils ».
La société est malade des comportements indisciplinés ! Cette grande injonction fleurit de plus en plus, un peu partout. Nous devons nous astreindre à être "civils", en adoptant les bons comportements. Trier ses déchets, économiser l’eau, l’énergie, se laver scrupuleusement les mains en dehors de chez soi, respecter les limitations de vitesse, mais aussi – de plus en plus - bannir la fessée, comme le font les Suédois, la liste est devenue impossible à clore.
Ces appels aux bons comportements ne sont pas nouveaux. Les moins jeunes d'entre nous se souviendront du temps où les couloirs du métro étaient ponctués de panneaux "interdit de cracher" ! Ce qui est nouveau en revanche, et c’est le parti pris qui distingue la campagne de la RATP, c'est la surveillance, voire la dénonciation par les autres usagers, des comportements jugés inappropriés. Icin chacune des affiches met en scène une situation de transgression, et sa désapprobation explicite par les autres voyageurs.
La campagne de la RATP choisit de dénoncer dans le registre de la fable qui fait mouche les comportements qui sortent manifestement du « cadre ». Ces importuns qui occupent le premier plan, servent un implicite, la défense et l’illustration du comportement «normalisé », qui pour le transporteur et ses agents est une des conditions de la bonne gestion du trafic. Tenter d’endiguer les débordements est bien l’ambition de ces messages.
Mais la gestion de notre mode de vie, qui engendre ces flux croissants de personnes partageant les mêmes pratiques au même moment, n’est pas seulement une question de normalisation des comportements individuels. Avant d’être l’expression d’attitudes transgressives, les dysfonctionnements comportementaux sont d’abord la manifestation des multiples aléas inhérents à des systèmes qui se révèlent insuffisamment dimensionnés.
Tandis que les gestionnaires des flux rêvent de consommateurs bien ordonnés, ceux qui empruntent ces grandes circulations de la vie moderne rêvent d’interactions fluides et souples, voire même propices aux rencontres – "Je t'ai vu sur le quai de la station Rambuteau…".
C'est pourquoi on peut rêver à notre tour de ce que serait un mode de gestion des flux de personnes dans les transports qui ferait appel, non pas à la seule normalisation des comportements individuels, mais à l'intelligence collective des usagers, leur capacité à être bienveillants et inventifs dans ces hauts lieux d’interaction sociale que sont les flux de la modernité. Car un sentiment partagé de confiance et de sécurité est au moins aussi nécessaire à la fluidité du trafic.
Lien sur cette campagne de la RATP en cliquant ici