Montée de la violence : les conducteurs pris pour cible
Après le coup de poinçon à la carotide d’un contrôleur, retour sur le quotidien des agents de transport en commun nantais en proie aux insultes, crachats et agressions physiques.
Bus et tramways sont le réceptacle du malaise de la société. Les agents de la SEMITAN en deviennent les premières victimes. Excès de violence, incivilités se répètent et se banalisent. Des usagers pressés qui n’acceptent plus d’attendre un bus cinq minutes. Un individualisme grandissant. « Les usagers ne peuvent plus contenir leur frustration » analysent-ils.
Nous avons rencontré des contrôleurs, conducteurs et agents de médiation. Magali, Jean Marc, Ronan et Boris de la CGT, mais aussi Jean Noël et Karl, de la CFDT. Exaspérés, certains ont le sentiment d’un ras-le-bol général qui grandit et rejaillit sur eux.
« Ferme ta g…. et conduis ! »
Magali : « Deux passagers sont montés. Je leur ai demandé s’ils avaient leur titre de transport. Ils m’ont répondu : tu fermes ta gueule et tu conduis. J’ai démarré. Que pouvais-je faire d’autre ? On est obligé d’encaisser »
Jean Marc : « Un passager a eu un malaise dans le tram. Je suis allé l’aider. Des gens m’ont lancé : reprenez les commandes, c’est pas humain. »
Karl : « on voit bien quand le ticket de bus est faux. Alors, on sourit. On n’est pas dupe. Mais si il refuse de prendre un ticket, je préviens le PC de sécurité »
« Les gens n’aiment pas être contrôlés »
Magali : « Mon médecin m’interdit de reprendre mon poste de contrôleuse. Il y a un an, lors d’un contrôle, j’ai été bousculée dans le busway par un resquilleur qui voulait s’enfuir. J’ai eu une cote cassée. Après, j’ai craqué. J’ai eu besoin d’aide psychologique. Pourtant, en six ans de boulot, j’en avais entendu des insultes »
Jean-Noël : « Même lorsqu’ils sont en règle, les gens n’aiment pas être contrôlés. Ils ne supportent pas l’uniforme. Ce qu’on représente. L‘autorité »
Vols à l’arraché en mode attaque de diligence
Ronan : « Des vols à l’arraché où des jeunes déboulent en groupe et bloquent les portes pour pouvoir s’enfuir, ça m’est arrivé trois fois. Un jour, sur la ligne 1, entre Tertre et Néruda, à Saint Herblain, trois jeunes sont montés dans le tram. L’un d’eux avait agressé un gamin pour lui voler son portable. J’ai eu le temps de verrouiller la porte pour l’empêcher de sortir. Il était coincé, le portable à la main. Il a fini par le lâcher, j’ai déverrouillé et il est sorti du tram. A l’extérieur les types m’ont insulté. Le gamin n’a jamais voulu déposer plainte »
Menaces de mort
Jean Marc : Je me souviens comme si c’était hier d’avoir reçu des insultes et des menaces de mort avec le geste : « on va te saigner » en 2006. Juste parce que je voulais voir le titre de transport du passager. L’agresseur a été condamné au tribunal. Le pire, c’est la frustration. On ne peut pas répondre. »
Karl : « Un type ne voulait pas éteindre sa cigarette avant de monter dans le bus, c’était la nuit. J’ai eu des menaces de mort. Il m’a dit « je vais brûler ton bus » J’ai mis le frein, j’ai prévenu le PC. L’agent de médiation a reçu une claque »
Crachats
Ronan : « J’ai déposé plainte récemment pour la première fois en onze ans de carrière. Une jeune fille avait craché au carreau du tramway. J’avais ouvert ma porte car il y avait du bazar. Ça ne lui a pas plu »
Boris : « On prend beaucoup sur nous mais au bout d’un moment ça use »
Vitr anti-agression dans les bus
Certains bus en sont déjà équipés. Les autres le seront ensuite« Ca permet de protéger les chauffeurs dès qu’ils se sentent menacés » explique la CGT. « On voudrait des caméras de surveillance dans les bus affrétés, comme les Chronobus »ajoute la CFDT